De l'instrumentation politique de l'Histoire
ou Rome favorite des tyrannies.
Ce que l'on appelle l'Histoire, avec un grand H, est la chronique de faits dits historiques écrite par des contemporains, mais souvent, également, de récits antérieurs répertoriés d'après des « on dit », légendes ou, au mieux, après enquêtes.
La volonté de rapporter par écrit des faits contemporains ou passés pour édifier les générations futures revient, pour le monde européen et proche oriental aux Grecs classiques, notamment Hérodote (-484 -425). La première méthode pour rapporter ces faits d'une façon se voulant objective revenant à Thucydide (– 460 – 400).
On peut déjà noter que, quelle qu’ait été la bonne volonté de ces chroniqueurs du passé, les faits qu'ils ont pu relater furent, par obligation, très parcellaires et forcément entachés par leur propre conception du monde. Le chroniqueur historique contemporain est toujours quelqu'un qui, idéologiquement, est proche d'un pouvoir et membre d'une aristocratie. Les esclaves du monde antique n'ont jamais écrit sur leur condition.
Mais rapidement, dans le monde européen antique, les chroniques historiques furent le fait des seuls Romains et ne furent que des hagiographies à la gloire de Rome et de son pouvoir impérialiste.
Tite-live, un des plus connus, écrivit une « Histoire » de la fondation de Rome ». Les Romains, selon la légende, seraient les descendants de Troyens en fuite, sous la conduite d’Énée. Il est d'ailleurs remarquable que l'origine légendaire troyenne de Rome soit identique à cette même origine attribuée aux Francs saliens de Clovis, fondateurs, d’après les hagiographies, des dynasties royales des Francs puis de France. Clovis, justement, n'est connu que par l'Histoire des Francs écrite 40 ans après sa mort par l’évêque Grégoire de Tour ce qui est la seule et unique « source » concernant l'histoire légendaire de ce personnage. Grégoire de Tour, mêlant légende, merveilleux et chroniques ne s'intéressait que du rapport à l'Église que pouvaient avoir les personnages figurant dans son ouvrage. Cet ouvrage fut d'ailleurs maintes fois remanié avant de nous parvenir.
On constate déjà que les chroniques du passé sont empreintes de légendes et de merveilleux suivant en cela les religions et mythes des époques où elles ont été écrites. Un bel exemple est celui de Jeanne d'Arc puisque pour croire ce qui est relaté encore officiellement à son propos il faut être chrétien et croire aux miracles, ce qui d'ailleurs n'enlève rien au personnage véritable et à son courage qui est encore plus grand si on supprime le merveilleux à son histoire.
Et puis nous savons que les chroniqueurs d'aujourd'hui, avec le partage de l'information par internet, racontent le plus souvent de très gros mensonges propres à imposer le pouvoir de ceux qui les emploient. Il n'y a strictement aucune raison que dans le passé il en fut autrement.
Alors se méfier de l'Histoire officielle procède des mêmes raisons que de se méfier des versions officielles rapportées par les clercs contemporains que sont les journalistes. Les clercs du passé avaient les mêmes fonctions.
Jusqu'à une période récente, l'Histoire rapportée dans les livres pour étudiant ou écoliers ne provenait que de la compilation d'ouvrages « historiques » postérieurs, qui eux même provenaient de compilations ou réécritures d'ouvrages postérieurs, la réalité des faits évoqués s'estompant au profit du mythe émergeant du brouillard du temps. En France, le pire fut Jules Michelet qui fabriqua de toute pièce une Histoire de France elle-même compilée et résumée au début du 20 ème siècle par le professeur d'histoire Jules Isaac à qui on accola Albert Malet, car le nom juif d'Isaac pouvait déplaire à certains, pour un livre d'Histoire de France ! Ainsi naquit le fameux Malet-Isaac qui fait toujours référence aujourd'hui.
Mais, l'étude des mythes historiques figurant dans l'Histoire officielle est toujours intéressante car elle rend compte des intentions politiques de ceux qui les rapportent. Ainsi on peut tirer du Malet-Isaac une volonté d'édifier les écoliers du début du 20ème siècle pour en faire de bons soldats en vue de la revanche à prendre sur le désastre militaire de 1870. Ceci dit les mythes issus du Malet-Isaac ne sont pas toujours négatifs.
Le mythe de Rome au cœur de l'instrumentation de l'Histoire en faveur des tyrannies et autres despotismes.
On le sait, tout pouvoir ne s'impose qu'avec une idéologie partagée par tous faisant que chacun puisse accepter sa condition de soumis. Les religions avec leurs vérités dogmatiques ont été les principaux vecteurs des pouvoirs, mais pas seulement.
L'Histoire officielle, instrumentée, se mêlant ou non aux mythes et religions, est depuis toujours le second levier permettant d'édicter les croyances devant officiellement être crues. Voir récemment le complot du 11 septembre 2001, quand toutes les lois de la physique ont été subitement abrogées pour faire accepter le mythe.
Le mythe de la Rome antique représentant la quintessence de la civilisation est depuis toujours le plus puissant. Il dépasse d'ailleurs les mythes de la religion chrétienne dont elle est issue. La France républicaine et laïque va jusqu'à représenter sur ses armes officielles le symbole des licteurs de Rome, les faisceaux entourant une hache, qui est aussi très exactement le symbole du parti fasciste italien. Le fascisme ayant tiré son nom de « fascio », ces fameux faisceaux de verges destinées à punir. Ceci n'a pas l'air d'émouvoir nos pseudos républicains. Fascistes italiens et nazis ont fait du salut romain leur mode de reconnaissance, salut romain est maintenant prohibé mais pas le « fascio » figurant honteusement sur mon passeport. Le centre-ville de Washington patrie de l'impérialisme fut bâti en référence à la Rome antique avec un Capitole en son centre ce qui est tout un symbole.
La symbolique romaine représente donc le pouvoir dans tout ce qu'il a d'impérialiste.
Mais que viennent faire nos « républicains » français au sein de ce mythe ? Je mets intentionnellement le mot républicain entre guillemet car ils ne le furent réellement jamais, ils ne furent que des imposteurs.
La République, telle que décrite par Jean-Jacques Rousseau, son principal et peut être unique promoteur au 18 ème siècle, n'est que la souveraineté du peuple. Or cette souveraineté ne peut en aucun cas être représentative. Nous avons pu voir que depuis qu'elle existe en France, cette république assure non pas la souveraineté du peuple, mais celle de partis politiques désignant des représentants parmi les plus soumis de leurs adhérents. Ces partis politiques sont toujours corrompus par des oligarchies. Ces personnages élus n'ont le plus souvent qu'à voter des textes de lois déjà élaborés par les dites oligarchies aujourd'hui situées bien au-delà des frontières de la France. Il n'a donc pas été difficile à ces pseudo républicains imposteurs de puiser leurs références dans la Rome antique, fût-elle républicaine, tout comme le dernier des fascistes.
Rome fut un moment une république, certes, mais une république tout aussi représentative que la nôtre avec des « représentants » tout aussi corrompus. En outre cette république fut également impérialiste de la même façon que l'empire qui lui a succédé. On peut remarquer également que cette référence « républicaine » à Rome par la République française fut faite au moment où l'État français cherchait, comme Rome, à « civiliser » par une violence, parfois paroxystique, des populations dites sauvages et ce au plus grand profit d'oligarchies financières.
Pour nous Français, cette référence à la barbarie impérialiste de Rome est d'autant plus insoutenable que nous nous jugeons, à juste titre, comme les descendants des populations qui occupaient, en gros, l'espace de la France actuelle et qui subirent un des plus horrible massacres que la Rome républicaine et civilisatrice eut à accomplir. Ce fut un génocide doublé d'un ethnocide d'une splendide civilisation qui, même aux dires de César, était techniquement plus avancée sur certains points que ne l'était Rome. Cet espace, appelé Gaulle par les envahisseurs, était aux dires de César couvert de villages et de champs de blés partout où l'on portait le regard. L'archéologie contemporaine, suite à de nombreuses constructions, n'arrête pas de mettre à jour, villages, villes, cimetières, tumulus de roi et reines, indiquant une forte densité de population à l'époque pré-romaine. Cependant on ne retrouve plus cette forte densité, après le premier siècle, résultat d'un fort cataclysme. L'exploitation de l'espace, qui était méticuleusement réparti en nombreux villages fut, après la colonisation, redécoupée en vastes domaines à l'antique, les « Villae » sur lesquels ne travaillaient plus des paysans libres mais des esclaves. Dans le même temps, les technologies agricoles pré-romaines se perdirent. Ce qu'avait décrit Jules César dans « La Guerre des Gaules » disparut pour n'être retrouvé qu'aux 12 et 13 ème siècles.
Pour les descendants que nous sommes de ce peuple asservi et massacré, Rome devrait être vouée aux gémonies. Ceux qui échappèrent en Europe à cette œuvre destructrice, comme les peuples germaniques et ce qui restent de Celtes (Gaulois), ne s'en portent aujourd'hui pas plus mal et au contraire, bien mieux.
Mais cette avanie romaine qui massacra nos ancêtres ne fut pas la seule à nous être imposée.
La Rome antique, le Moyen-Âge, la Renaissance, ou l'histoire d'un complot politique.
La « fabrication » de la Renaissance, vue comme un retour à la Rome antique, est un sujet particulièrement prisé par tout ce que le monde a pu connaître de tyrannies affichées ou cachées. La Rome antique a servi à beaucoup, de Louis 14 à Napoléon, des pseudo républicains français colonialistes à la Jules Ferry, à Mussolini et Hitler, mais surtout à l'impérialisme états-unien.
J'ai déjà parlé dans un article du complot instituant cette « Renaissance ». J'ai montré qu'absolument rien n'indique qu'il y ait eu une quelconque césure dans l'histoire de l'Europe entre le 15 ème et le 16 ème siècle justifiant de parler d'un quelconque progrès.
Il n'y a pas si longtemps on parlait d'un moyen-âge noir et méconnu, symbole d’arriération. On mettait dans ce sac fourre- tout une période de 1000 ans d'Histoire qui connut pourtant en Europe des civilisations fort différentes. Maintenant l'université officielle se trouve dans l'obligation de partager quand même ce Moyen-Âge en plusieurs époques.
Le Haut Moyen-Âge qui ne fut que la continuité de la période antique. Il possédait un mode de production strictement similaire fondé sur le domaine et l'esclavage. Charlemagne a même restauré un temps l'empire romain d'occident en se faisant couronner empereur des romains à Rome en 800.
Puis un moyen-âge classique à partir de la révolution féodale au tournant de l'an 1000, époque de très grand bouleversement de civilisation. S'il fallait placer une césure historique c'est bien à ce moment. Cette période féodale a beaucoup froissé les tyrannies de toutes obédiences qui on fait de ce terme une quasi obscénité. En effet cette période féodale est marquée par plusieurs avancées importantes que nos laudateurs de pouvoirs tyranniques jugent insupportables.
1- La destruction de l'État
2- La décentralisation des pouvoirs et leur multiplication quasiment à l'infini avec, en corollaire la multiplication des initiatives individuelles et collectives.
3- Une explosion économique et du nombre des populations
4- La multiplication des franchises communales donnant toutes libertés à certaines villes de se gérer par elles-mêmes de la manière qu'elles entendaient. Beaucoup dans l'espace de l'Empire romain-germanique prirent le nom de république.
5- Une frénésie de constructions religieuses et civiles avec ces fantastiques cathédrales, dites gothiques, joyaux de technologie architecturale dont on n’a pas fini d'en faire l'étude. Le tonnage en pierre construite entre Loire et Somme au 13ème siècle fut récemment calculé comme étant supérieur à celui retrouvé dans les vestiges de la totalité de l’Égypte pharaonique.
6- La création de multiples institutions universitaires dont Paris possède toujours la trace, en dépit des destructions des 18 et 19 ème siècle, avec de nombreux intellectuels comme Pierre Abelard initiateur de la scolastique et inspirateur de Descartes.
6- Une certaine liberté de la femme avec pour elles une place majeure dans la société : Hildegarde von Bingen, la seule compositrice existante reconnue dans le monde occidental, Christine de Pisan qui fut, au tournant des 14 et 15me siècle, la première femme à vivre professionnellement de sa plume des siècles avant Georges Sand. Que dire également de Jeanne la Pucelle appelée ultérieurement Jeanne d'Arc, chef de guerre à qui on confia une armée et de ma préférée Yolande d'Anjou Aragon, dite reine des quatre royaumes, qui joua un rôle déterminant et essentiel dans le recouvrement de l'indépendance totale du royaume de France au 15ème siècle sous Charles VII .
7- La littérature, l'épopée arthurienne n'est-elle pas encore aujourd'hui un sujet cinématographique majeur avec le fin’ Amor, appelé amour courtois, qui donna un grand nombre de poèmes, chansons et virelais que l'on découvre seulement maintenant (grâces aux anglo-saxons). Une culture extrêmement raffinée particulièrement dans les rapports hommes femmes.
( Lire mon article)
Pour en finir avec cette courte description, l'église n'avait pas terminé l'imposition de son pouvoir en Europe, le paganisme régnait encore largement dans les campagnes et les hérésies fleurissaient un peu partout.
Puis il est question du bas moyen-âge, période de transition où la féodalité s'éteint, où les tyrannies commencent à supprimer les franchises et à imposer leurs pouvoirs. C'est également la période du triomphe du capitalisme basé sur le prêt à intérêt (usure) qui se répand en Europe à partir de l'Italie du Nord. L’Italie du Nord (Lombard) qui fit de la pratique de l'usure sa principale industrie devint excessivement riche quand la France du beau 13 ème siècle sombrait dans la guerre.
C'est à ce moment que naquit en Italie une nostalgie des temps antiques, quand les légions romaines imposaient par la force leur pouvoir sur l'Europe. Les immenses richesses accumulées dans les villes libres d'Italie du Nord comme Florence, Sienne ou Venise, permirent à de très riches capitalistes de se payer des artistes. Ils étaient considérés comme des serviteurs mais étaient plus libres de s’exprimer que dans leurs corporations médiévales .( L'Artiste et la Cour aux origines de l'artiste moderne de Martin Warnke).
Dans le même temps, la construction de mirifiques palais conduisit à la mise à jour de sculptures antiques dont les riches capitalistes décorèrent leurs habitats. Des intellectuels italiens du 14 ème siècle, comme Pétrarque, se firent les laudateurs et les propagandistes du retour aux temps anciens et les critiques de l'art français qu'ils appelèrent avec mépris « gotico » ou « tedesco », pour eux germanique car venant d'au-delà des Alpes d’où les envahisseurs germains vinrent pour en finir avec la Rome impériale. Cosme de Medicis (1415- 1464) fut le prototype du capitaliste usurier italien richissime de la fin du Moyen Age, très dispendieux en matière d'art et qui prêtait « ses » artistes en fait serviteurs dans toute l'Europe pour la publicité de ses banques. Ainsi se répandit l'art italien et l'idée qu'avant c'était mieux et que le moderne de cette époque représenté par le « gotico » était laid. Il est à remarquer que l'idée d'une « renaissance » aux 14 et 15ème siècle était, en premier lieu, un mouvement anti moderne dont le modernisme était représenté par la France.
L'imposition d'une renaissance artistique vint surtout avec Vasari (1511-1574) qui écrivit une Histoire de l'Art qui concernait quasiment exclusivement l'art italien et de préférence florentin. Il était au service de François de Médicis ce qui s'explique bien évidemment. L’œuvre de Vasari fut redécouverte au 19ème siècle et passa pour la seule concernant l'histoire de l'art en général et fut à l'origine de l'idée moderne de renaissance artistique, évidemment l'art français du 13 ème siècle « gotico » passait à la trappe.
Le 16 ème siècle, ses fameux temps modernes et sa Renaissance, fut une grande période de régression. Guerres de religion, contre-réforme de l'église qui impose son pouvoir totalitaire, chasse aux sorcières, plus de 6000 femmes sont massacrées en Europe , les femmes deviennent diaboliques, inquisition, les bains publics , (étuves) sont fermés sur ordre de l'église, on ne se lave plus. L'italien devient à la mode en même temps que l'antique ; la famille d'usuriers Médicis donnent deux reines à la France. Partout les pouvoirs totalitaires s'imposent en même temps que l'économie florissante du Moyen-Age classique s'effondre. L'Italie va rentrer dans l'oubli, mais l'idée que la Rome antique fut la quintessence de la civilisation va perdurer jusqu'à nos jours.
On comprend que la période médiévale d'environ cinq siècles ne pouvait plaire aux puissants de ce monde et qu'il fallait cacher cette anarchie que l'on ne saurait voir et surtout ne pas reproduire. La Rome antique représente un exemple plus convenable. (J'oublie le haut moyen-âge qui appartient plus au monde antique qu'à la période qui suivra la révolution féodale)
Mais le mot « Commune !» repris par toutes les révolutions issues des communes médiévales fut toujours et jusqu'à nos jours la terreur des puissants.
Voilà pourquoi, des républicains colonialistes français, aux fascistes italiens, des nazis aux impérialistes étasuniens la Rome antique devait représenter un exemple édifiant à contrario de ce moyen-âge individualiste et libertaire.
Mais voilà, les études historiques ont commencé à se rapprocher d'une science depuis une trentaine d'années en ne se référant plus qu'à des sources, elles-mêmes référencées et multiples. Ces sources n'étant pas seulement le rapport de faits concernant les puissants mais également toutes sortes d'écrits même anodins comme les listes de blanchisseries, de repas, d'achats, des testaments, des héritages ou des livres de comptes. A ces sources écrites sont accolés des recherches archéologiques sur le terrain et même aujourd'hui des éléments de paléo-génétique.
Au regard des travaux des historiens contemporains où je place en premier Jacques Heers (Le Moyen Age une Imposture) qui fut titulaire de la chaire d'Histoire médiévale à la Sorbonne, l'Histoire de France devrait être largement révisée.On attend.
Petit à petit, le lourd écran idéologique représenté par la pseudo Renaissance et la Rome antique s'estompant, certains commencèrent à voir ce qui était pourtant sous leurs yeux, la merveilleuse civilisation du 13 ème siècle français.Cette « découverte » fut pour beaucoup un choc car cette civilisation pleine et entière n'était aucunement relatée comme telle par l'histoire officielle jetant ainsi un énorme doute sur l'ensemble de cette Histoire officielle.